Chasse et insécurité : l’État muet face aux dangers publics
Un an après le lancement de leur recours en justice « contre la chasse qui tue (aussi) des humains », l’Association pour la protection des animaux sauvages (ASPAS) et Un jour un chasseur dénoncent le silence assourdissant du Gouvernement face aux graves enjeux de sécurité publique liés à la chasse. Tandis que l’État reste muet, la Fédération nationale des chasseurs (FNC) prend position et confirme que la sécurité publique fait partie de ses prérogatives, tout en qualifiant les accidents de chasse de « litanie de faits divers non prouvés ».
Les carences de l’État en matière de sécurité
Il y a tout juste un an, l’ASPAS et le collectif Un jour un chasseur ont adressé une demande à l’ensemble des ministres concernés pour que le Gouvernement assume ses responsabilités en matière de protection de la population dans le contexte des actions de chasse. Deux carences de l’État ont été mises en lumière : l’absence de règles de sécurité efficaces applicables sur l’ensemble du territoire et la validation de schémas départementaux de gestion cynégétiques élaborés par les Fédérations de chasseurs malgré leur disparité et leurs insuffisances graves en matière de sécurité.
Or, il est démontré qu’au cours des 15 dernières années, 70% des non-chasseurs tués l’ont été durant le week-end et près de 40% l’ont été sur une route ou dans leur jardin. Une limitation temporelle et spatiale de la pratique de la chasse aurait ainsi permis d’éviter la mort de 13 personnes sur les 19 tuées. Elle réduirait aussi significativement le nombre de blessés et les nuisances occasionnées pour les riverains et les promeneurs.
Le recours en justice contre l’inaction de l’État
Le Gouvernement n’ayant apporté aucune réponse à cette demande, les associations ont saisi le Tribunal administratif de Paris le 1er février 2024 afin de faire constater les carences de son action et l’enjoindre à prendre des mesures propres à assurer efficacement la sécurité du public. À ce jour, l’État n’a toujours pas répondu au mémoire de l’ASPAS.
Toutefois, la FNC s’est constituée intervenante volontaire dans la procédure et affirme, par son mémoire, assumer les prérogatives de puissance publique en matière de sécurité de la population dans le contexte de la pratique de la chasse. La FNC précise que les règles de sécurité sont mises en œuvre par les fédérations départementales de chasseurs au sein de leur schéma départemental de gestion cynégétique, ce qui entraine des disparités significatives entre les départements.
Des droits fondamentaux bafoués
La FNC met en avant que l’obligation de l’État en matière de sécurité à la chasse est une obligation de moyens et non de résultat et qu’aucun manquement grave ou récurrent dans la pratique et l’encadrement de la chasse n’est à constater. Cependant, elle qualifie les accidents de chasse rapportés par les associations de « litanie de faits divers recueillis dans la presse régionale ou de divers témoignages, du reste non prouvés ».
Elle soutient également que la limitation de la chasse le week-end ou l’encadrement du tir à proximité des habitations et des routes ne serait en aucun cas de nature à prévenir les accidents de chasse.
Les associations persévèrent
Le silence de l’État et la position de la FNC ne font que confirmer la situation ubuesque dénoncée par l’ASPAS : l’État confie aux chasseurs le soin de limiter eux-mêmes leur pratique, alors même que cela relève du domaine de la sécurité publique, dont il détient nécessairement le monopole ; la FNC assume que les règles de sécurité varient d’un département à l’autre, et qualifie de faits divers non prouvés les décès, les blessés, et l’ensemble des nuisances subies par la population.
L’ASPAS ira au bout de cette action afin de faire constater par le juge les carences graves de l’action de l’État, dont seule la chasse semble bénéficier, en rappelant le texte de Loi codifié à l’article L111-1 du Code de la sécurité intérieure : « La sécurité est un droit fondamental et l’une des conditions de l’exercice des libertés individuelles et collectives. L’État a le devoir d’assurer la sécurité en veillant, sur l’ensemble du territoire de la République, à la défense des institutions et des intérêts nationaux, au respect des lois, au maintien de la paix et de l’ordre publics, à la protection des personnes et des biens ».
Réactions des porte-paroles
Pour Yolaine de la Bigne, porte-parole de l’ASPAS : « Déjà une douzaine d’accidents depuis l’ouverture de la chasse, dont un cycliste blessé au visage : combien faut-il en attendre d’autres avant que le gouvernement prenne ses responsabilités et agisse pour la sécurité des citoyens ? »
Un jour un chasseur ajoute : « Force est de constater que depuis la mort de notre ami Morgan Keane en 2020, la chasse continue de mettre les ruraux en danger, de blesser et de tuer. Le sentiment d’insécurité dans les campagnes est toujours aussi présent, l’État toujours aussi méprisant des souffrances des ruraux et le cadre juridique encadrant ce « loisir » n’est toujours pas à la hauteur des enjeux de sécurité et de partage de la nature. Cette inaction est inacceptable : il est temps de prendre en compte l’urgence ! »
Actuchasse pour Caninstore
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